SOCIÉTÉ
« N ap Boule » : quand l’intelligence artificielle devient la voix d’Haïti
Dans un pays en proie à une crise profonde, où la violence et l’instabilité semblent être devenues des réalités incontournables, la musique reste un puissant vecteur d’expression et de réflexion. Avec N ap Boule, Aristilde Deslande Artificial Intelligence (ADAI) signe une œuvre révolutionnaire en utilisant l’intelligence artificielle pour capturer et retranscrire la souffrance d’un peuple. Plus qu’une simple chanson, ce morceau interroge la capacité de la technologie à traduire la réalité haïtienne et à devenir un catalyseur de prise de conscience.
Quand la machine traduit la douleur d’un peuple
Créée à partir d’une voix et d’un beat générés par IA et des paroles de Deslande Aristilde, N ap Boule plonge dans les contradictions d’Haïti. Ce qui frappe, c’est la justesse avec laquelle la chanson exprime la détresse et la frustration collective. La répétition du mot « boule » ne se limite pas à une référence aux incendies qui ravagent les rues haïtiennes lors des manifestations ; elle illustre aussi une auto-combustion sociale et morale, où la colère, souvent légitime, finit par tout consumer, y compris les espoirs de renouveau.
https://youtu.be/MxSubYjBtH4?si=Jo5sr6iRRCmDyH77
L’intelligence artificielle, guidée par le prompt du créateur, parvient ainsi à condenser en quelques minutes des décennies d’histoire, de crises et d’échecs répétés. Ce n’est plus seulement un artiste humain qui parle, mais une machine qui analyse, synthétise et restitue une réalité complexe avec une objectivité troublante par le texte de Aristilde.
Une innovation technologique au service de l’activisme
Si la musique a toujours été un moyen de dénoncer les injustices et de mobiliser les consciences, l’usage de l’IA dans N ap Boule ouvre une nouvelle ère de l’engagement artistique. Traditionnellement, les chansons contestataires en Haïti ont été portées par des artistes engagés comme Manno Charlemagne ou Beethova Obas, etc. Avec ADAI, Aristilde Deslande fait un pas de plus : il utilise la technologie non seulement comme un outil de création, mais aussi comme un moyen d’analyse sociale.
En programmant une IA pour qu’elle convertisse un message critique sur la situation du pays en musique, il pousse la réflexion plus loin. Il remet en cause non seulement la gestion politique du pays, mais aussi la responsabilité collective des citoyens.
L’intelligence artificielle : une menace ou une opportunité pour Haïti ?
Alors que le monde s’interroge sur l’impact de l’IA sur la culture et l’emploi, l’expérience ADAI montre que cette technologie peut être un outil d’émancipation intellectuelle. En Haïti, où l’accès à l’éducation est souvent limité et où la désinformation prospère, l’IA pourrait aider à structurer la pensée critique, à combattre les fake news et à offrir des perspectives nouvelles sur des problématiques complexes.
Cependant, cette opportunité s’accompagne aussi de risques. Une intelligence artificielle ne pense pas ; elle se base sur les données qu’on lui fournit. Dans un pays où l’histoire est souvent racontée de manière biaisée et où les faits sont parfois manipulés pour servir des intérêts politiques, l’IA pourrait être instrumentalisée pour renforcer certaines narrations au détriment d’autres.
Vers une nouvelle forme d’expression artistique et politique ?
Avec N ap Boule, Aristilde Deslande ne se contente pas d’innover artistiquement ; il ouvre la voie à une nouvelle manière d’utiliser la technologie au service du débat public. Dans un monde où l’intelligence artificielle devient omniprésente, il est crucial que les créateurs, les penseurs et les citoyens haïtiens s’approprient ces outils pour façonner eux-mêmes leur récit.
Loin d’être une simple expérimentation, N ap Boule est une démonstration de force : Haïti peut se réinventer en intégrant la technologie dans son expression culturelle et politique. La question est maintenant de savoir si cette voix nouvelle sera entendue et si elle parviendra à provoquer un changement réel, ou si elle sera, comme tant d’autres avant elle, consumée par les flammes de l’oubli.
